Communiqué de presse

ALMA révèle l'existence d'un champ magnétique intense à proximité d'un trou noir supermassif

Lumière sur les étranges processus à l'œuvre à proximité de l'horizon des événements

16 avril 2015

Le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA) a révélé l'existence, à très grande proximité de l'horizon des événements d'un trou noir supermassif, d'un champ magnétique extrêmement puissant – d'une intensité nettement supérieure à celle de tout champ détecté jusqu'à présent au coeur d'une galaxie. Cette nouvelle observation permet aux astronomes de mieux comprendre la structure et la formation de ces monstres occupant les centres des galaxies, ainsi que les fréquentes et rapides éjections de plasma depuis leurs pôles respectifs. Les résultats de cette étude paraîtront au sein de l'édition du 17 avril 2015 de la revue Science.

Les trous noirs supermassifs, dont les masses excèdent bien souvent le milliard de masses solaires, occupent le centre de la plupart des galaxies de l'Univers. Ces trous noirs peuvent accréter de vastes quantités de matière formant un disque qui l’entoure. Cette matière se trouve en grande partie absorbée par le trou noir. Une infime partie est toutefois susceptible d'échapper à l'attraction fatale du monstre : elle forme alors des jets de plasma dont la vitesse avoisine celle de la lumière. Ce processus d'échappement demeure partiellement incompris ; il semblerait toutefois qu'il résulte de l'action d'intenses champs magnétiques régnant à très grande proximité de l'horizon des événements.

Jusqu'à présent, seuls des champs magnétiques de faible intensité et relativement éloignés de trous noirs – situés à plusieurs années-lumière – avaient été détectés [1]. Cette étude, menée par des astronomes de l'Université de Technologie de Chalmers et de l'Observatoire Spatial Onsala en Suède, avait pour objet de repérer, au moyen d'ALMA, les signes de l'existence d'un champ magnétique puissant à très grande proximité de l'horizon des événements d'un trou noir supermassif au sein de la galaxie lointaine notée PKS 1830-211. Il est apparu que ce champ magnétique se situe précisément là où la matière se trouve soudainement expulsée du trou noir sous la forme d'un jet.

L'équipe a mesurée l'intensité du champ magnétique en étudiant la manière par laquelle la lumière était polarisée, à mesure qu'elle s'éloignait du trou noir.

“La polarisation constitue une propriété essentielle de la lumière, utilisée à bien des égards dans la vie quotidienne – pour les lunettes solaires ou les lunettes 3D au cinéma, par exemple”, souligne Ivan Marti-Vidal, auteur principal de cette étude. “Lorsqu'elle est produite naturellement, la polarisation peut être utilisée à des fins de mesure des champs magnétiques – la polarisation de la lumière varie lorsqu'elle traverse un milieu au sein duquel règne un champ magnétique. Dans le cas présent, la lumière captée par ALMA a traversé la matière ceinturant le trou noir, là où se trouve confiné un plasma hautement magnétisé.”

En appliquant, aux données d'ALMA, une nouvelle technique d'analyse conçue par leurs propres soins, les astronomes ont découvert que la direction de polarisation du rayonnement en provenance du centre de PKS 1830-211 avait pivoté [2]. Ce sont les longueurs d'onde les plus courtes, toujours utilisées dans ce type d'étude, qui permettent de sonder les régions situées à très grande proximité du trou noir central [3].

“Les signaux engendrés par la rotation de la polarisation et découverts par notre équipe sont des centaines de fois supérieurs aux signaux les plus intenses jamais détectés dans l'Univers”, ajoute Sebastien Muller, co-auteur de l'étude. “Notre découverte atteste du pas de géant que permet d'effectuer ALMA, tant en terme de fréquences observables qu'en terme de distance au trou noir – la zone dans laquelle le champ magnétique a été repéré se situe à quelques jours lumière seulement en effet de l'horizon des événements. Ces résultats et d'autres études à venir, nous permettront de mieux comprendre les processus à l'œuvre au voisinage immédiat de trous noirs supermassifs.”

Notes

[1] Des champs magnétiques bien plus faibles ont été détectés au voisinage du trou noir supermassif et relativement peu actif qui occupe le centre de notre galaxie, la Voie Lactée. De récentes observations ont également permis de déceler, à des longueurs d'onde millimétriques, l'existence de champs magnétiques de faible intensité au sein de la galaxie active NGC 1275.

[2] Les champs magnétiques induisent une rotation Faraday, qui se traduit par la rotation différentielle du plan de polarisation de la lumière en fonction de la longueur d'onde. La relation entre l'angle de cette rotation et la longueur d'onde du rayonnement fournit des indices concernant le champ magnétique présent dans la région traversée.

[3] Les observations d'ALMA ont été effectuées à une longueur d'onde voisine de 0,3 millimètre. De précédentes recherches avaient été réalisées à de bien plus grandes longueurs d'onde radio. Seul un rayonnement dont la longueur d'onde avoisine le millimètre peut s'échapper de la région située à très grande proximité du trou noir, les radiations de longueurs d'onde plus élevées étant absorbées.


Notes

[1] Much weaker magnetic fields have been detected in the vicinity of the relatively inactive supermassive black hole at the centre of the Milky Way. Recent observations have also revealed weak magnetic fields in the active galaxy NGC 1275, which were detected at millimetre wavelengths.

[1] Des champs magnétiques bien plus faibles ont été détectés au voisinage du trou noir supermassif et relativement peu actif qui occupe le centre de notre galaxie, la Voie Lactée. De récentes observations ont également permis de déceler, à des longueurs d'onde millimétriques, l'existence de champs magnétiques de faible intensité au sein de la galaxie active NGC 1275.

[2] Magnetic fields introduce Faraday rotation, which makes the polarisation rotate in different ways at different wavelengths. The way in which this rotation depends on the wavelength tells us about the magnetic field in the region.

[2] Les champs magnétiques induisent une rotation Faraday, qui se traduit par la rotation différentielle du plan de polarisation de la lumière en fonction de la longueur d'onde. La relation entre l'angle de cette rotation et la longueur d'onde du rayonnement fournit des indices concernant le champ magnétique présent dans la région traversée.

[3] The ALMA observations were at an effective wavelength of about 0.3 millimetres, earlier investigations were at much longer radio wavelengths. Only light of millimetre wavelengths can escape from the region very close to the black hole, longer wavelength radiation is absorbed.

[3] Les observations d'ALMA ont été effectuées à une longueur d'onde voisine de 0,3 millimètre. De précédentes recherches avaient été réalisées à de bien plus grandes longueurs d'onde radio. Seul un rayonnement dont la longueur d'onde avoisine le millimètre peut s'échapper de la région située à très grande proximité du trou noir, les radiations de longueurs d'onde plus élevées étant absorbées.


Plus d'informations

Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé “A strong magnetic field in the jet base of a supermassive black hole”, à paraître au sein de l'édition du 17 avril 2015 de la revue Science.

L'équipe est composée de I. Martí-Vidal (Observatoire Spatial Onsala et Département des Sciences de la Terre et de l'Univers, Université de Technologie Chalmers, Suède), S. Muller (Observatoire Spatial Onsala et Département des Sciences de la Terre et de l'Univers, Université de Technologie Chalmers, Suède), W. Vlemmings (Département des Sciences de la Terre et de l'Univers et Observatoire Spatial Onsala, Université de Technologie Chalmers, Suède), C. Horellou (Département des Sciences de la Terre et de l'Univers, Université de Technologie Chalmers, Suède) et S. Aalto (Département des Sciences de la Terre et de l'Univers, Université de Technologie Chalmers, Suède).

Le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA), une installation astronomique internationale, est le fruit d'un partenariat entre l'ESO, la U.S. National Science Foundation (NSF) et le National Institutes of Natural Sciences (NINS) du Japon en coopération avec le Chili. ALMA est financé par l'Observatoire Européen Austral (ESO) pour le compte de ces Etats membres, la NSF en coopération avec le National Research Council du Canada (NRC), le National Science Council of Tawain (NSC) et le NINS en coopération avec l’Academia Sinica (AS) in Taiwan et le Korea Astronomy and Space Science Institute (KASI).

L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».

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Courriel: ivan.marti-vidal@chalmers.se

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Joerg Gasser (contact presse pour la Suisse)
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Ce texte est une traduction du communiqué de presse de l'ESO eso1515.

A propos du communiqué de presse

Communiqué de presse N°:eso1515fr-ch
Nom:Black hole
Type:Early Universe : Star : Evolutionary Stage : Black Hole
Facility:Atacama Large Millimeter/submillimeter Array
Science data:2015Sci...348..311M

Images

Vue d'artiste d'un trou noir supermassif au centre d'une galaxie
Vue d'artiste d'un trou noir supermassif au centre d'une galaxie

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Vue d'artiste d'un trou noir supermassif au centre d'une galaxie
Vue d'artiste d'un trou noir supermassif au centre d'une galaxie