Communiqué de presse
Sculpter des Systèmes Solaires
L’instrument SPHERE de l’ESO met en évidence l’existence de disques protoplanétaires façonnés par de toutes jeunes planètes
9 novembre 2016
De nouvelles observations finement résolues ont mis en évidence l’existence de structures pour le moins surprenantes au sein des disques de formation planétaire qui entourent de jeunes étoiles. L’instrument SPHERE qui équipe le Very Large Telescope de l’ESO a permis d’observer la dynamique complexe qui anime les jeunes systèmes solaires – l’un d’eux en temps réel. Les récentes publications de trois équipes d’astronomes témoignent de l’incroyable capacité de SPHERE à capturer la façon dont les planètes sculptent les disques qui leur ont donné naissance – révélant ainsi toute la complexité de l’environnement au sein duquel de nouveaux mondes se constituent.
Trois équipes d’astronomes ont utilisé SPHERE, un instrument récent dédié à la recherche d’exoplanètes installé sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire de Paranal de l’ESO, afin de mieux comprendre l’évolution des jeunes systèmes planétaires. La découverte, ces dernières années, d’un nombre croissant d’exoplanètes à un rythme exponentiel, confère à ce champ d’études une formidable dynamique.
Nous savons aujourd’hui que les planètes se constituent à partir de disques de gaz et de poussière étendus – baptisés disques protoplanétaires, situés en périphérie de jeunes étoiles. Leurs dimensions peuvent atteindre des centaines de millions de kilomètres. Au fil du temps, les particules piégées au sein de ces disques protoplanétaires collisionnent, se combinent les unes aux autres et donnent éventuellement naissance à des objets de dimensions planétaires. Toutefois, les détails de l’évolution de ces disques de formation planétaire demeurent en grande partie méconnus.
SPHERE figure, depuis peu, parmi les multiples instruments installés sur le VLT. Les technologies récentes dont il est équipé offrent un outil puissant d’imagerie directe et détaillée des disques protoplanétaires [1]. L’interaction entre les disques protoplanétaires et les planètes en formation contribue à façonner les disques, à leur attribuer la forme d’anneaux étendus, de bras spiraux ou bien encore de vides plus ou moins profonds. Le lien entre ces structures et les planètes qui les sculptent demeure méconnu à ce jour. D’où l’intérêt, pour les astronomes, d’étudier ces formes remarquables. En leur offrant la possibilité d’observer directement les étranges structures des disques protoplanétaires, SPHERE s’avère être un instrument incontournable pour les équipes de recherche.
A titre d’exemple, RXJ1615 est une jeune étoile de la constellation du Scorpion, distante de 600 années-lumière de la Terre. Une équipe pilotée par Jos de Boer de l’Observatoire de Leiden aux Pays Bas, a découvert un système complexe d’anneaux concentriques autour de la jeune étoile, dont la forme – à une échelle bien plus grande toutefois – évoque celle des anneaux de Saturne. Une telle sculpture annulaire au sein d’un disque protoplanétaire a été rarement observée auparavant. Plus excitant encore : le système dans son ensemble paraît n’être âgé que d’1,8 millions d’années. Le disque semble avoir été façonné par des planètes encore en cours de formation.
L’âge du disque protoplanétaire nouvellement découvert confère à RXJ1615 un caractère tout à fait exceptionnel. La plupart des autres disques protoplanétaires détectés à ce jour sont en effet relativement âgés ou évolués. Le résultat inattendu de de Boer a rapidement fait écho aux découvertes d’une équipe pilotée par Christian Ginski, également de l’Observatoire de Leiden. Cette autre équipe a observé la jeune étoile HD97048 située dans la constellation du Caméléon, à quelque 500 années-lumière de la Terre. Une analyse minutieuse a permis de conclure que le jeune disque qui entoure cette étoile s’est également constitué en anneaux concentriques. La symétrie de ces deux systèmes constitue un résultat surprenant, la plupart des systèmes protoplanétaires arborant une multitude de bras spiraux asymétriques, de vides et de vortex. Ces découvertes augmentent significativement le nombre de systèmes connus dotés de multiples anneaux parfaitement symétriques.
Une image particulièrement spectaculaire de disque asymétrique – structure la plus fréquemment rencontrée – a été acquise par une équipe d’astronomes emmenée par Tomas Stolker de l’Institut d’Astronomie Anton Pannekoek aux Pays Bas. Le disque entoure l’étoile HD135344B distante de quelque 450 années-lumière de la Terre. Cette étoile a fait l’objet de nombreuses études par le passé. Bien que cette étoile ait été bien étudiée par le passé, SPHERE a permis à cette équipe de voir le disque protoplanétaire de l’étoile de manière bien plus détaillée qu’auparavant. La vaste cavité centrale et les deux grandes structures semblables à des bras spiraux sont supposées avoir été créées par une ou plusieurs protoplanètes massives, destinées à devenir des planètes de type Jupiter.
En outre, quatre raies sombres, vraisemblablement des ombres générées par le mouvement de la matière au sein du disque de HD135344B, ont été observées. L’une des stries a par ailleurs sensiblement changé d’aspect au fil des mois séparant les périodes d’observation – il s’agit là d’un rare exemple d’observation, en temps réel, d’une évolution planétaire, qui fait écho aux changements survenus dans les régions internes du disque inaccessibles à SPHERE. Ces ombres mouvantes offrent non seulement de somptueuses images, mais également un moyen unique de sonder la dynamique des régions internes du disque.
A l’instar des anneaux concentriques détectés par de Boer et Ginski, les observations de l’équipe de Stolker montrent que l’environnement complexe et changeant des disques qui entourent les jeunes étoiles peut encore offrir de belles et surprenantes découvertes. En constituant cet impressionnant corpus de connaissances relatives aux disques protoplanétaires, ces équipes contribuent à une meilleure compréhension de ces disques, de la façon dont les planètes qui en sont issues les sculptent – et donc de la formation planétaire elle-même.
Notes
[1] La première lumière de SPHERE a eu lieu en juin 2014. L’instrument combine un système d’optique adaptative avancé destiné à corriger la distorsion atmosphérique, un coronographe qui bloque en grande partie la lumière en provenance de l’étoile centrale, et enfin une combinaison d’imagerie différentielle et de polarimétrie qui permet d’isoler la lumière en provenance des structures du disque.
Plus d'informations
Le travail de recherche de de Boer, Ginski et Stolker et de leurs collègues du consortium SPHERE a été accepté pour publication au sein de la revue Astronomy and Astrophysics. Leurs articles s’intitulent: Direct detection of scattered light gaps in the transitional disk around HD 97048 with VLT/SPHERE, Shadows cast on the transition disk of HD 135344B: Multi-wavelength VLT/SPHERE polarimetric differential imaging, et Multiple rings in the transition disk and companion candidates around RX J1615.3-3255: High contrast imaging with VLT/SPHERE. Chacun des trois articles a été rédigé dans le cadre du programme SPHERE GTO dirigé par Carsten Dominik de l’Université d’Amsterdam.
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel.
Liens
- Article de recherche de Jos de Boer et al.
- Article de recherche de Christian Ginski et al.
- Article de recherche de Tomas Stolker et al.
Contacts
Tomas Stolker
Anton Pannekoek Institute for Astronomy
Amsterdam, the Netherlands
Tél: +3120525 8152
Courriel: T.Stolker@uva.nl
Jos de Boer
Leiden University
Leiden, the Netherlands
Tél: +31715278139
Courriel: deboer@strw.leidenuniv.nl
Christian Ginski
Leiden University
Leiden, the Netherlands
Tél: +31715278139
Courriel: ginski@strw.leidenuniv.nl
Richard Hook
ESO Public Information Officer
Garching bei München, Germany
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Thierry Botti (contact presse pour la France)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO
et Laboratoire d'Astrophysique de Marseille
Marseille, France
Tél: +33 4 95 04 41 06
Courriel: eson-france@eso.org
A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1640fr |
Nom: | HD135344B, HD97048, RX J1615.3-3255 |
Type: | Milky Way : Star : Circumstellar Material : Disk : Protoplanetary |
Facility: | Very Large Telescope |
Instruments: | SPHERE |
Science data: | 2016A&A...595A.114D 2016A&A...595A.113S 2016A&A...595A.112G |