Communiqué de presse
Meilleure image acquise à ce jour de la surface et de l’atmosphère d’une étoile
Première cartographie des mouvements de matière à la surface d’une étoile autre que le Soleil
23 août 2017
Grâce à l’interféromètre du Very Large Telescope de l’ESO, des astronomes sont parvenus à réaliser l’image la plus détaillée à ce jour d’une étoile – la supergéante rouge Antarès. Ils ont également effectué la toute première cartographie des mouvements de matière au sein de l’atmosphère d’une étoile autre que le Soleil, révélant par là-même l’existence inattendue de turbulence au sein de la vaste atmosphère d’Antarès. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Nature.
A l’œil nu, la célèbre étoile Antares située au cœur de la constellation du Scorpion brille avec intensité et affiche une coloration rougeâtre. En termes astronomiques, cette étoile est une supergéante rouge relativement froide en fin de vie, sur le point de se changer en supernova [1].
Une équipe d’astronomes pilotée par Keiichi Ohnaka de l’Université Catholique du Nord du Chili, a utilisé l’Interféromètre du Very Large Telescope de l’ESO (VLTI) à l’Observatoire de Paranal au Chili pour cartographier la surface d’Antarès et déterminer les mouvements de matière à sa surface. L’image obtenue est la plus détaillée à ce jour de la surface et de l’atmosphère d’une étoile autre que le Soleil.
Le VLTI est un instrument unique capable de combiner la lumière en provenance de quatre télescopes – les Télescopes de 8,2 mètres de diamètre ou les Télescopes Auxiliaires de taille intermédiaire – en vue de constituer un télescope virtuel doté d’un miroir unique de 200 mètres de diamètre. La résolution des détails fins excède celle obtenue au moyen d’un seul et unique télescope.
“Le processus responsable de la perte de masse si rapide d’étoiles en fin de vie telle Antarès est demeuré incompris durant plus d’un demi siècle”, précise Keiichi Ohnaka, l’auteur principal de cette étude. “Le VLTI est le seul instrument nous permettant de mesurer directement les mouvements de gaz au sein de l’atmosphère étendue d’Antarès – une étape clé dans la résolution de ce problème. Le prochain défi consiste à identifier la source de ces mouvements turbulents.”
Les nouveaux résultats obtenus ont permis à l’équipe de générer la première carte bidimensionnelle des mouvements animant l’atmosphère d’une étoile autre que le Soleil. La combinaison, dans le cadre du VLTI, de trois des Télescopes Auxiliaires et d’un instrument baptisé AMBER, a donné lieu à l’acquisition d’images distinctes de la surface d’Antarès sur une petite portion du spectre infrarouge.
L’équipe a ensuite déduit de ces données les différences de vitesses du gaz atmosphérique en diverses régions de l’étoile ainsi que la vitesse moyenne sur la globalité de sa surface [2]. Ils ont ainsi pu réaliser une carte de la vitesse relative du gaz atmosphérique sur la totalité du disque d’Antarès – la toute première carte de ce type établie pour une étoile autre que le Soleil.
Les astronomes ont découvert l’existence de gaz turbulent, de faible densité, à plus grande distance du centre de l’étoile qu’estimé, et conclu que le mouvement ne pouvait résulter du processus de convection [3] qui transfère le rayonnement issu du noyau vers l’enveloppe extérieure de nombreuses étoiles. Leur étude les a conduits à envisager l’existence d’un processus encore inconnu, responsable de ces mouvements au sein des atmosphères étendues de supergéantes rouges semblables à Antarès.
“A l’avenir, cette technique d’observation, jusqu’alors limitée à la seule étude du Soleil, pourrait être appliquée à différents types d’étoiles afin d’analyser leurs surfaces et de leurs atmosphères de manière plus détaillée que jamais” conclut Keiichi Ohnaka. “Notre travail offre une nouvelle dimension à l’astrophysique stellaire et ouvre une nouvelle fenêtre d’étude des étoiles”.
Notes
[1] Aux yeux des astronomes, Antarès est une supergéante rouge typique. Ces énormes étoiles en fin de vie sont à l’origine dotées d’une masse comprise entre neuf et quarante masses solaires. Lorsque ce type d’étoile devient une supergéante rouge, son enveloppe externe s’étend, de sorte que sa taille et sa luminosité croissent, mais sa densité diminue. A l’heure actuelle, la masse d’Antarès avoisine les 12 masses solaires et son diamètre excède les 700 diamètres solaires. A l’origine, sa masse devait être quinze fois supérieure à celle du Soleil. Au cours de son existence, elle aurait donc perdu trois masses solaires.
[2] La vitesse de la matière cheminant en direction ou à l’opposé de la Terre peut être mesurée grâce à l’effet Doppler, qui décale les raies spectrales vers l’extrémité rouge ou bleue du spectre, selon que la matière émettant ou absorbant la lumière s’éloigne ou s’approche de l’observateur.
[3] Le processus de convection entraîne la matière froide vers les régions internes de l’étoile et la matière chaude vers l’enveloppe externe, le long de boucles circulaires. Ce processus survient au sein de l’atmosphère terrestre, rend compte des courants océaniques, et déplace le gaz environnant les étoiles.
Plus d'informations
Ce travail de recherche a fait l’objet d’un article intitulé “Vigorous atmospheric motion in the red supergiant star Antares”, par K. Ohnaka et al., à paraître dans la revue Nature.
L’équipe est composée de K. Ohnaka (Université Catholique du Nord, Antofagasta, Chili), G. Weigelt (Institut Max Planck dédié à la Radioastronomie, Bonn, Allemagne) et K. -H. Hofmann (Institut Max Planck dédié à la Radioastronomie, Bonn, Allemagne).
ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 16 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le Very Large Telescope (VLT), l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages - VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est également un partenaire majeur pour deux équipements à Chajnantor ; APEX et ALMA, le plus grand projet astronomique existant à ce jour. Et sur le Mont Armazones, à proximité de Paranal, l'ESO est en train de construire l’Extremely Large Telescope, l’ELT, de la classe des 39 mètres, qui sera "l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel".
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A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1726fr-be |
Nom: | Antares |
Type: | Milky Way : Star : Evolutionary Stage : Red Supergiant |
Facility: | Very Large Telescope Interferometer |
Instruments: | AMBER |
Science data: | 2017Natur.548..310O |