Communiqué de presse

Un trou noir se nourrit d'une averse intergalactique froide

8 juin 2016

Grâce au Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA), une équipe internationale d'astronomes a pu assister à un événement météorologique cosmique inédit : une pluie de nuages de gaz intergalactique se déversant sur le trou noir supermassif qui occupe le centre d'une vaste galaxie située à un milliard d'années-lumière de la Terre. Les résultats de ces observations paraîtront dans l'édition du 9 juin 2016 de la revue Nature.

Cette nouvelle observation d'ALMA apporte la première preuve directe que des nuages denses et froids peuvent se former en dehors du gaz intergalactique chaud puis plonger au cœur d'une galaxie et nourrir son trou noir supermassif central. Elle oblige par ailleurs les astronomes à repenser le processus d'accrétion qui permet aux trous noirs supermassifs de s'alimenter.

Jusqu'à présent, les astronomes pensaient que les trous noirs supermassifs des galaxies les plus étendues se nourrissaient, à un rythme lent et régulier, du gaz chaud et ionisé du halo galactique. Les nouvelles observations d'ALMA montrent que, lorsque les conditions météorologiques intergalactiques le permettent, les trous noirs peuvent également se gorger de soudaines averses de gigantesques nuages de gaz moléculaire froid.

“Bien qu'elle ait été récemment prédite, l'existence d'une telle averse, froide et soudaine, s'abattant sur un trou noir supermassif, le nourrissant, n'avait pas encore été observée”, précise Grant Tremblay, astronome à l'Université de Yale, New Haven, Connecticut, Etats-Unis, ancien boursier de l'ESO et auteur principal de l'étude. “Observer ces pluies torrentielles se déverser sur un trou noir dont la masse avoisine les 300 millions de masses solaires est terriblement excitant”.

Tremblay et son équipe ont utilisé ALMA pour sonder un amas étonnamment brillant composé d'une cinquantaine de galaxies et baptisé Abell 2597. En son centre figure une galaxie elliptique massive, décrite à juste titre comme la « Galaxie la plus brillante de l'amas Abell 2597 ». Entre ces galaxies se trouve une atmosphère diffuse de gaz chaud ionisé, qui fit l'objet d'études antérieures au moyen de l'Observatoire en rayons X Chandra de la NASA.

“Ce gaz extrêmement chaud peut rapidement se refroidir, se condenser et déverser sa pluie, tout comme l'air chaud et humide de l'atmosphère terrestre peut donner lieu à la formation de nuages d'orages et de précipitations”, précise Tremblay. “Les nuages nouvellement condensés déversent alors leur pluie dans la galaxie, alimentant la formation d'étoiles et nourrissant son trou noir supermassif”.

Non loin du centre de cette galaxie, les chercheurs ont pu observer trois vastes nuages de gaz froid chutant sur le trou noir supermassif à la vitesse d'un million de kilomètres par heure. Chaque nuage renferme autant de matière que plusieurs millions de Soleils et s'étend sur des dizaines d'années-lumière.

En temps normal, il s'avèrerait particulièrement difficile de détecter des objets de si faible dimension à de telles distances cosmiques – même avec ALMA, pourtant doté d'une formidable résolution. Mais les “ombres” qu'ils projettent vers la Terre, longues d'un milliard d'années-lumière, les ont trahis [1].

Des données complémentaires, acquises par le VLBI (Very Long Baseline Array) de la NSF (National Science Foundation), indiquent que les nuages de gaz observés par ALMA sont distants du trou noir central d'à peine 300 années-lumière. A l'échelle astronomique, cela signifie qu'ils sont sur le point d'être engloutis.

ALMA n’a pu détecter que trois nuages de gaz froid dans les environs du trou noir. Toutefois, les astronomes pensent que des milliers d’objets semblables doivent coexister à proximité, précipitant en averses susceptibles d'alimenter le trou noir en continu sur une longue période de temps.

Les astronomes projettent à présent d'utiliser ALMA pour détecter l'existence de telles averses orageuses au sein d'autres galaxies afin de déterminer l'occurrence de ces événements météorologiques cosmiques. Sont-ils aussi fréquents que la théorie actuelle le prédit ?

Notes

[1] Les ombres se forment lorsque les nuages de gaz opaque se précipitant sur le trou noir bloquent en partie l'intense rayonnement millimétrique produit par les électrons spiralant autour des lignes de champ magnétique à proximité immédiate du trou noir supermassif central.

Plus d'informations

Ce travail de recherche a fait l'objet d'un article intitulé “Cold, clumpy accretion onto an active supermassive black hole”, par Grant R. Tremblay et al., à paraître au sein de l'édition du 9 juin 2016 de la revue Nature.

L'équipe est composée de Grant R. Tremblay (Université de Yale, New Haven, Connecticut, Etats-Unis; ESO, Garching, Allemagne), J. B. Raymond Oonk (ASTRON, Institut Néerlandais de Radioastronomie, Dwingeloo, Pays-Bas; Observatoire de Leiden, Université de Leiden, Leiden, Pays-Bas), Françoise Combes (LERMA, Observatoire de Paris, PSL Research University, Collège de France, CNRS, Université de la Sorbonne, Paris, France), Philippe Salomé (LERMA, Observatoire de Paris, PSL Research University, Collège de France, CNRS, Université de la Sorbonne, Paris, France), Christopher O’Dea (Université de Manitoba, Winnipeg, Canada; Institut de Technologie de Rochester, Rochester, New York, Etats-Unis), Stefi A. Baum (Université de Manitoba, Winnipeg, Canada; Institut de Technologie de Rochester, Rochester, New York, Etats-Unis), G. Mark Voit (Université d'Etat du Michigan, East Lansing, Michigan, Etats-Unis), Megan Donahue (Université d'Etat du Michigan, East Lansing, Michigan, Etats-Unis), Brian R. McNamara (Université de Waterloo, Waterloo, Ontario, Canada), Timothy A. Davis (Université de Cardiff, Cardiff, Royaume-Uni; ESO, Garching, Allemagne), Michael A. McDonald (Institut Kavli dédié à l'Astrophysique et à la Recherche Spatiale, MIT, Cambridge, Massachusetts, Etats-Unis), Alastair C. Edge (Université de Durham, Durham, Royaume-Uni), Tracy E. Clarke (Département de Télédétection du Laboratoire de Recherche Naval, Washington DC, Etats-Unis), Roberto Galván-Madrid (Institut de Radioastronomie et d'Astrophysique, UNAM, Morelia, Michoacan, Mexique; ESO, Garching, Allemagne), Malcolm N. Bremer (Université de Bristol, Bristol, Royaume-Uni), Louise O. V. Edwards (Université de Yale, New Haven, Connecticut, Etats-Unis), Andrew C. Fabian (Institut d'Astronomie, Université de Cambridge, Cambridge, Royaume-Uni), Stephen Hamer (LERMA, Observatoire de Paris, PSL Research University, Collège de France, CNRS, Université de la Sorbonne, Paris, France), Yuan Li (Université du Michigan, Ann Arbor, Michigan, Etats-Unis), Anaëlle Maury (Laboratoire AIM Paris-Saclay, CEA/DSM/Irfu CNRS, Université Paris Diderot, CE-Saclay, Gif-sur-Yvette, France), Helen Russell (Institut d'Astronomie, Université de Cambridge, Cambridge, Royaume-Uni), Alice C. Quillen (Université de Rochester, Rochester, New York, Etats-Unis), C. Megan Urry (Université de Yale, New Haven, Connecticut, Etats-Unis), Jeremy S. Sanders (Institut Max-Planck dédié à la Physique Extraterrestre, Garching bei München, Allemagne), et Michael Wise (ASTRON, Institut Néerlandais de Radioastronomie, Dwingeloo, Pays-Bas).

Le Vaste Réseau (Sub-)Millimétrique de l'Atacama (ALMA), une installation astronomique internationale, est le fruit d'un partenariat entre l'ESO, la U.S. National Science Foundation (NSF) et le National Institutes of Natural Sciences (NINS) du Japon en coopération avec le Chili. ALMA est financé par l'Observatoire Européen Austral (ESO) pour le compte de ces Etats membres, la NSF en coopération avec le National Research Council du Canada (NRC), le National Science Council of Tawain (NSC) et le NINS en coopération avec l’Academia Sinica (AS) in Taiwan et le Korea Astronomy and Space Science Institute (KASI).

La construction et la gestion d'ALMA sont supervisées par l'ESO pour le compte de ses Etats membres, par le National Radio Astronomy Observatory (NRAO), dirigé par Associated Universities, Inc (AUI) en Amérique du Nord, et par le National Astronomical Observatory of Japan (NAOJ) pour l'Asie de l'Est. L’Observatoire commun ALMA (JAO pour Joint ALMA Observatory) apporte un leadership et un management unifiés pour la construction, la mise en service et l’exploitation d’ALMA.

L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 15 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est le partenaire européen d'ALMA, un télescope astronomique révolutionnaire. ALMA est le plus grand projet astronomique en cours de réalisation. L'ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d'un télescope européen géant (E-ELT pour European Extremely Large Telescope) de la classe des 39 mètres qui observera dans le visible et le proche infrarouge. L'E-ELT sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel.

Liens

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Grant Tremblay
Yale University
New Haven, Connecticut, USA
Tél: +1 207 504 4862
Courriel: grant.tremblay@yale.edu

Francoise Combes
LERMA, Paris Observatory
France
Courriel: francoise.combes@obspm.fr

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Rodrigo Alvarez (contact presse pour la Belgique)
Réseau de diffusion scientifique de l'ESO et Planetarium, Royal Observatory of Belgium
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Courriel: eson-belgium@eso.org

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Ce texte est une traduction du communiqué de presse de l'ESO eso1618.

A propos du communiqué de presse

Communiqué de presse N°:eso1618fr-be
Nom:Abell 2597
Type:Local Universe : Galaxy : Component : Central Black Hole
Facility:Atacama Large Millimeter/submillimeter Array
Science data:2016Natur.534..218T

Images

Vue d'artiste d'une pluie intergalactique froide
Vue d'artiste d'une pluie intergalactique froide
Vue d'artiste d'une pluie intergalactique froide
Vue d'artiste d'une pluie intergalactique froide
Image composée de la galaxie la plus brillante de l’Amas Abell 2597
Image composée de la galaxie la plus brillante de l’Amas Abell 2597

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Vue d'artiste d'une pluie intergalactique froide
Vue d'artiste d'une pluie intergalactique froide