Collaboration entre
l'Institut Astrophysique des Canaries
et l'Université Cadi Ayyad

Zouhair Benkhaldoun

Université Cadi Ayyad, Faculté des Sciences
Semlalia, B.P. S15, Marrakech, Royaume du Maroc
ucadp@cybernet.net.ma & ucam@maghrebnet.net.ma

1. Introduction

Depuis quelques années s'est affirmée au Maroc une volonté de développer la recherche scientifique dans le domaine de l'astronomie et de l'astrophysique. La constitution d'une équipe de recherche en astrophysique avec le but de promouvoir un observatoire astronomique marocain a permis de canaliser des efforts dans ce sens.
Dès le début de notre activité, nous avons opté pour deux axes de recherche: la qualification d'un site d'observation en astronomie et l'insertion de notre équipe dans une dynamique de recherche internationale. Dans cette optique, des liens institutionnels existent entre le Maroc et la France, à travers l'Université de Marrakech et celle de Nice.
Un site d'observation au Mont Oukaïmeden dans le Haut-Atlas au Sud de Marrakech a été sélectionné pour ses qualités potentielles prometteuses. Une première étude de qualification a été réalisée et a donné lieu à plusieurs publications (ex.: Benkhaldoun et al., 1993).
Parallèlement à cette activité de qualification de l'Oukaïmeden, ce site a accueilli en 1988 l'une des toutes premières stations du réseau international IRIS de sismologie solaire, géré par nos partenaires de Nice. L'équipe marocaine est depuis lors une des équipes-clé du programme IRIS (Benkhaldoun et al., 1991). On peut remarquer par exemple qu'elle a organisé, à Marrakech, deux des colloques annuels de ce programme depuis 1990.

Il est à noter qu'un peu plus à l'Ouest et à la même latitude que le Maroc, les espagnols de l'Institut Astrophysique des Canaries (IAC) ont installé deux observatoires (l'un solaire à Izaña et l'autre stellaire à Roque de los Muchachos) sur les plus hautes montagnes des Iles Canaries. Ces sites ont la réputation d'être parmi les meilleurs du monde. Ceci nous incite à penser, au vu de l'analogie des situations, que les sites marocains, face à l'Atlantique par rapport aux vents dominants et situés à haute altitude, seront eux aussi potentiellement de bons candidats.
Ces dernières années une collaboration a vu le jour entre l'équipe marocaine et l'Institut d'Astrophysique des Canaries (IAC) pour l'étude du ``seeing" astronomique, paramètre dont l'estimation est nécessaire pour qualifier un site stellaire.
D'autre part, une des stations d'observation du réseau IRIS est également installée sur le site espagnol d'Izaña, et l'équipe espagnole de physique solaire de l'IAC collabore étroitement avec l'équipe marocaine dans le domaine de l'héliosismologie; plusieurs publications ont ainsi été réalisées en commun (ex.: Pallé et al., 1993; Loudagh et al., 1993; Lazrek et al., 1996).

2. Etudes Atmosphériques: "Seeing" et Extinction

Parmi tous les critères de sélection d'un site d'observation astronomique, le paramètre qui définit la qualité de la dégradation de l'image par la turbulence atmosphérique est le plus important. En effet, toutes les observations astronomiques sont dégradées par les perturbations turbulentes, que ce soit en photométrie, spectroscopie ou imagerie classique. Et plus récemment encore, avec les progrés réalisés en imagerie à haute résolution angulaire, les astronomes sont convaincus que la dégradation des images croît beaucoup plus vite que la turbulence optique qui lui a donné naissance. D'où l'intérêt de choisir des sites où le ``seeing" est le meilleur possible.
Il existe plusieurs techniques d'estimation du ``seeing," mais il semble que le ``Differential Image Motion Monitor" ou DIMM soit le plus fiable (Sarazin et Roddier, 1990) et le plus facile à mettre en oeuvre, même dans des conditions d'environnement météorologiques sévères. Pour entreprendre une étude de nouveaux sites, il faudrait placer autant de DIMM que de sites potentiels et ceci pendant plusieurs années. Cette procédure a été adoptée par l'European Southern Observatory (ESO) pour la recherche du site où installer quatre télescopes de huit mètres (Projet VLT).
Une autre méthode consiste à essayer d'aborder ce problème en utilisant des modèles de prédiction de la turbulence. Imaginons que l'on dispose d'un modèle qui fonctionne comme une boîte noire et qui soit capable de déduire, par exemple, un profil CT2(h) (paramètre dont l'intégrale est proportionnelle au paramètre ``seeing") d'un ensemble de mesures de la variation verticale de la pression P, de la température T et du vent V (Coulman et al., 1988). Nous aurions alors un outil qui utiliserait en entrée des données issues de sondages météorologiques classiques effectués en des milliers d'endroits à la surface du globe terrestre, et ce, une ou deux fois par jour. Nous pouvons alors penser faire une véritable climatologie de la turbulence optique à l'échelle planétaire.
En plus de l'utilisation statistique des données météorologiques, et si de tels modèles donnaient des résultats précis, il serait justifié de les utiliser pour prédire le ``seeing" dans les heures ou les jours à venir, dans la mesure où aujourd'hui les modèles de prédiction météorologique ont atteint un bon niveau de fiabilité.
Nous avons effectué un essai de validation d'un modèle de prévision du ``seeing," appelé modèle Coulman-Vernin, en comparant le ``seeing" mesuré par un moniteur de ``seeing" placé sur des sites à prospecter au Chili, et le ``seeing" estimé en utilisant le modèle appliqué à des radio-sondages effectués à partir de stations qui se trouvent à proximité. Les résultats très encourageants de cette étude sur les modèles ont été publiés récemment par Benkhaldoun et al. (1996). Cette étude a concerné les données du Chili. Nous nous proposons de réaliser un travail analogue avec les données de sondage en provenance de l'IAC. Cette étude permettra de conclure quant à l'universalité du modèle, puisque la même étude sera appliquée à des données prises dans des conditions de mesures différentes et provenant de différents sites, à savoir le site de San Pedro Martir (Basse Californie, Mexique) d'une part, et! le site de Roques de los Muchacho s (Canaries) d'autre part.
Une campagne de mesures in situ utilisant un DIMM est également envisagée pour le site de l'Oukaïmeden. Un projet d'acquisition d'un tel instrument est à l'étude. L'option qui peut également être retenue est la construction d'un DIMM marocain en collaboration avec le Département d'Astrophysique de l'Université de Nice et l'IAC. Cette dernière institution vient de se doter d'un instrument analogue et pourra donc collaborer à la construction de l'instrument marocain.
Une collaboration a déjà été amorcée entre l'Université Cadi Ayyad et l'IAC par l'intermédiaire de Mme Casiana Munoz Tunon qui a participé au jury de thèse d'un doctorant marocain. Cette rencontre a été mise à profit pour faire avancer nos approches respectives concernant notre collaboration et pour discuter de l'intérêt à faire impliquer des organismes de financement de la recherche pour faire aboutir nos travaux.
Il est prévu d'utiliser, en collaboration avec les chercheurs de l'IAC, les données de sondages météorologiques effectués à Santa Cruz dans l'Ile de Ténérife et les données du ``seeing" mesuré à Roque de los Muchachos (situé à environ 200 km de Santa Cruz), pour poursuivre le travail de modélisation de la turbulence atmosphérique.
D'autre part, une étude est déjà entamée entre nos deux équipes concernant l'influence des vents de sable véhiculés par le ``Chergui" en provenance du Sahara sur la transparence photométrique aux Canaries. Nous utilisons pour cela la base de données de l'IAC pour étudier l'éventuelle corrélation entre les mesures météorologiques au sol (température, pression, humidité, vitesse et direction du vent) effectuées à l'Observatoire de Roque de los Muchachos dans l'Ile de La Palma, avec les mesures d'extinction effectuées par le télescope Carlsberg du Royal Greenwich Observatory (RGO). Ce travail rentre dans le cadre de la thèse d'Etat d'un chercheur marocain.

3. Sismologie Solaire

Depuis 1987, notre équipe et celle de l'IAC ont intégré le Réseau International de Sismologie Solaire, IRIS (ex.: Fossat, 1991). Il s'agit de l'observation en continu des vibrations solaires. En effet, le soleil est une cavité résonnante qui vibre selon plusieurs milliers de modes propres d'oscillations stationnaires. L' analyse du signal temporel de ces oscillations permet de remonter à des paramètres physiques de la structure interne du soleil. La difficulté dans cette analyse est de pouvoir disposer d'un signal temporel long (quelques mois) et sans coupure. L'idée est donc vite trouvée d'installer un réseau avec plusieurs stations d'observation autour du globe terrestre qui se relayent pour observer le soleil chacune à son tour. Nos deux équipes ont participé à l'installation à Izaña et à l'Oukaïmeden de deux des instruments du Réseau. Nous avons collaboré activement à l'élaboration des logiciels de calibration et de racc! ordement des données des diffé rents sites et à l' analyse des données. Plusieurs articles en commun relatent ces différentes analyses, et des résultats trés importants sont déjà à notre actif (Gizon et al., 1997; Gelly et al., 1997).
Il est également possible d'assurer la continuité des mesures en faisant des observations dans l'espace. C'est ce qui est assuré depuis Décembre 1995 par le satellite SOHO. Un des instruments de cette mission, GOLF, est une réplique aux normes spatiales de l'instrument IRIS dont nous avons acquis une grande maîtrise. L'équipe de l'IAC a participé au développement de cet instrument et actuellement à l'analyse des données. Un chercheur de notre équipe participe activement à l'analyse des données (Lazrek et al., 1997). Des résultats trés importants sont publiés, et l'aventure continue.

References

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Benkhaldoun, Z., Kadiri, S., Lazrek, M.H., Touma, H. 1991, Solar Physics, 133, 61.
2
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Benkhaldoun, Z., Jabiri, A., Vernin, J. 1996, Astrophys. and Space Sc., 239, 237.
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Coulman, C.E., Vernin, J., Coqueugniot, Y., Caccia, J.L. 1988, Applied Optics, 27, 155.
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Fossat, E. 1991, Solar Physics, 133, 1.
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Gelly, B., Fierry-Fraillon, D., Fossat, E., Pallé, P., Cacciani, A., Ehgamberdiev, S., Grec, G., Hoeksema, J.T., Khalikov, S., Lazrek, M., Loudagh, S., Pantel, A., Régulo, C., Schmider, F.X. 1997, Astron. Astrophys., 323, 235.
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Gizon, L., Fossat, E., Lazrek, M., Cacciani, A.,Ehgamberdiev, S., Gelly, B., Grec, G., Hoek-sema, J.T., Khalikov, S., Pallé, P.L., Pantel, A., Régulo, C., Schmider, F.X., Wilson, P.R. 1997, Astron. Astrophys., 317, L71.
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Lazrek, M., Pantel, A., Fossat, E., Gelly, B.,Schmider, F.X., Fierry-Fraillon, D., Grec, G., Loudagh, S., Ehgamberdiev, S., Khamitov, I., Hoeksema, J.T., Pallé, P.L., Régulo, C. 1996, Solar Physics, 166, 1.
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Lazrek, M., Régulo, C., Baudin, F., Bertello, R.A., Garcia, R.A., Gouiffes, C., Grec, G., RocaCortés, T., Turck-Chiéze, S., Ulrich, R.K., Robillot, J.M., Gabriel, A.H., Boumier, P., Charra, J. & the GOLF team, 1997, Solar Physics, in press
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Loudagh, S., Provost, J., Berthomieu, G., Ehgam-berdiev, S., Fossat, E., Gelly, B., Grec, G.,Khalikov, S., Lazrek, M., Pallé, P.L., Régulo, C., Sanchez, L., Schmider, F.X. 1993, Astron. Astrophys., 275, L25.
11
Pallé, P.L., Fossat, E., Régulo, C., Loudagh, S.,Schmider, F.X., Ehgamberdiev, S., Gelly, B.,Grec, G., Khalikov, S., Lazrek, M., Sanchez, L. 1993, Astron. Astrophys., 280, 324.
12
Sarazin, M., Roddier, F. 1990, Astron. Astrophys., 227, 294.

Summary

Two areas of research have been chosen to develop astronomy and astrophysics at the University of Cadi Ayyad (Marrakech, Morocco): (i) the methods to determine the quality of observing sites, with particular reference to Mount Oukaïmeden in the High Atlas, South of Marrakech, and (ii) helioseismology through the network of International Research on the Interior of the Sun (IRIS). In the case of the helioseismology work, links have already existed for several years between the Cadi Ayyad University the University of Nice in France, and the Canaries Astrophysical Institute (IAC) as participants in the IRIS programme. The IRIS network includes the stations at Oukaïmeden and at Izaña (Tenerife, Spain).

In the last few years, new collaborations have been developed with IAC to study atmospheric perturbations of image quality and also the joint analysis of data from the GOLF instrument on the SOHO mission.

Working Group
Mon Apr 27 00:45:05 GMT+0200 1998